Goutte à goutte

Version 1:
La goutte, au robinet, longuement rassemble ses forces. Elle se forme et se contient. Elle prend ce galbe lourd qui toise la gravité, accumule la force même qui va la précipiter.
Et puis, vient la chute vertigineuse, la descente grisante, le grand plongeon tout schuss. Malgré l’épaisseur de l’air, qu’elle traverse, verticale, la goutte ne se disperse pas, tout juste elle s’effile un peu sous l’effet de la vitesse acquise.
Il en va autrement, à l’arrivée, du grand choc de la réalité. La claque de l’évier lui est fatale. Les molécules attachées, qui s’étaient regroupées pour le voyage, s’éparpillent. L’eau reste de l’eau mais l’association est dissoute. Chacun a repris sa route.

Version 2:
C’est dans l’intérieur du genou, que la gêne s’installe et gangrène le mouvement. Le vieux courtisan, costume passé de mode, perruque poudrée sans éclat, avance avec peine vers son roi. Il manque de grâce en ce siècle de fanfreluches. Pire, sa goutte lui interdit une obséquieuse révérence. Point de courbettes, point de largesses et le monarque le renvoie d’un geste hautain de la main.

Version 3:
Ce n’est pas par malice que mes lèvres, ô délices, te courent sur tout le corps. C’est que la bougie soufflée me laisse désorienté. Dans cette belle nuit divine, noire comme l’encre de Chine, j’ai beau chercher ta bouche, je m’égare, car on n’y voit goutte. Mais je persévère. Je trace ma route de petits baisers. Si je tente encore, sûr qu’avant l’aurore, je la trouverai.

Image DR, retouches Ange7.

 

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